Ce roman-baume explore la vie familiale par les yeux d'un homme. Une succession d'instantanés de la vie quotidienne où l'individualisme fait place à la famille et à l'engagement. C'est un remède contre la désillusion des trentenaires, un discours renouvelé sur l'engagement et la paternité. Il prône le bonheur dans le mariage, la famille et la stabilité. Une manière touchante d'illustrer le rôle du père.
Ces tranches de vie mêlent les scènes de la vie ordinaire, des moments accablants, touchants, inquiétants alternant avec les souvenirs d'enfance du narrateur. Enfance où il vécu l'éclatement de sa famille, pris entre 2 parents incompatibles. Il est de cette génération, issue de la famille décomposée, qui a dû apprendre comment devenir parents dans les livres et qui se promet de ne pas suivre l'exemple lamentable de sa propre famille.
J'ai beaucoup apprécié l'écriture de ce roman. Enfin un auteur masculin qui ose écrire une vision différente et surtout optimiste sur l'engagement et la famille. Ça fait changement de la recette maintes fois réécrite à la Invincible ou Horloge Biologique. Ça nous donne enfin espoir à nous les femmes que nous ne sommes pas les seules pour qui les valeurs familiales sont primordiales.
9/10
Extraits:
"Comment dire ma femme? Comment dire qu'elle vole et qu'elle glisse sans dire qu'elle vole et qu'elle glisse? Je la prend par sa bouche, par son cou, ses cheveux, sa joue, le haut de sa joue sous les yeux, par ses yeux, ses jambes, ses genoux, ses mains, ses doigts, ses paumes et ses ongles, par le dessus de ses mains, le côté, entre es doigts ouverts et pliés. Et je ne dis pas tout. Je pense à son dos, ses grains de beauté, son âge et son prénom. La couleur de sa peau, son sourire qui me reste dans la tête, je la prends aussi par là. Par la lampe qu'elle a achetée pour décorer la chambre. Je la prends et la ressens pleinement telle qu'elle est, par le fait qu'elle ait choisi cette lampe plutôt qu'une autre, et je pense exactement à cet instant où elle a peut-être hésité, pesé le pour et le contre, puis s'est décidée. Je l'aime parce qu'elle casse notre voiture, qu'elle laisse les lumières allumées inutilement, qu'elle a déjà fait brûler le pâté au poulet alors qu'il n'y a rien de plus simple au monde que de faire chauffer ce genre de plat préparé. Je la prends quand elle respire et que je n'ai aucun contrôle là-dessus. Parce que, même si notre voiture nous a coûté la peau des fesses, nous a ruiné en assurances et en réparations diverses, elle la casse quand même. Elle rentre un après-midi et me dit:" Chéri, il est arrivé quelque chose, j'ai cassé la voiture" et que devant cela non plus, je ne peux rien. Comme pour les casseroles calcinées, les chaussettes devenues rose dans une brassée où s'était glissée l'une de nos débarbouillette bourgogne. Je l'aime dans ce qui, chez elle, est indépendant de moi. Je l'aime dans son enfance, celle des trois ou quatre photos que je connais d'elle petite. Lorsque je ne la fréquentais pas encore. Dans ce qu'elle me raconte des maisons qu'elle a habitées. Je la prends même dans ce qu'elle était alors que je n'y étais pas, avant qu'elle existe dans ma vie." p. 113,114
"Je me lève étampé d'un sourire. Je prépare du café, je suis content de voir la petite se lever et de demander déjà quelque chose. Je vois ma femme assembler un sandwich pour le lunch, fouiller dans les plats Ziplock, mettre une touche de rouge à lèvres sur les lèvres de la petite déjà tout habillée - parce qu'elle désire déjà se maquiller -, et ne pas oublier de passer récupérer l'aspirateur chez le réparateur. Je les vois se préparer et je voudrais qu'il soit déjà dix-sept heures, pour que tous soient de retour. Même si dès qu'ils sont là, je ne sais pas quoi faire de plus pertinent que d'être là, je ne sais pas quoi dire pour exprimer tout mon amour. Et le radicaliser." p.152,153
Les trois modes de conservation des viandes, Maxime-Olivier Moutier, Marchand de feuilles, 2006, 261p.