Rien ne se passe comme prévu, c'est la seule chose que nous apprend le futur en devenant du passé
Dans la lignée de Comme un roman, Chagrin d’école est un livre qui concerne l’école. Non pas l’école qui change dans la société qui change, mais, «au cœur de cet incessant bouleversement, sur ce qui ne change pas, justement, sur une permanence dont je n’entends jamais parler: la douleur partagée du cancre, des parents et des professeurs, l’interaction de ces chagrins d’école». Daniel Pennac entremêle ainsi souvenirs autobiographiques et réflexions sur la pédagogie et les dysfonctionnements de l’institution scolaire, sur la douleur d’être cancre et la soif d’apprendre, sur le sentiment d’exclusion et l’amour de l’enseignement.
De Pennac, je n'avais lu que Comme un roman. Ce qui veut dire que je ne connais pas encore le "romancier" seulement l'homme, les pensées de l'homme. J'ai vu plusieurs entrevues qu'il a accordées aux médias québécois et j'ai beaucoup d'admiration pour cet homme cultivé, allumé, et intéressant. La lecture de Chagrin d'école m'a fait découvrir Pennac l'homme de cœur. Sa passion, sa sincérité, sa sensibilité, sa compassion pour ses élèves m'ont touchée. Pennac m'a permis, pour un moment, de me souvenir des profs qui ont marqué ma vie, qui ont accompagné la jeune fille que j'étais et qui m'ont donné les outils pour devenir celle que je suis…
Mais ce serait mentir de dire que j'ai été emballée par ce bouquin. À plusieurs reprises, j'ai voulu le refermer et passer à autre chose. Pas que c'est mauvais, loin de là, mais j'ai trouvé certains passage passablement ennuyeux. Je m'attendais à un roman, j'y ai découvert un essai. Un condensé de réflexion sur l'éducation, celle d'hier et celle d'aujourd'hui. Je n'avais pas envie de "ça" pour le moment. J'avais besoin d'être divertie. De plus, tous ces termes propres au système éducatif français, quelle prise de tête c'était de tout démêler! Ça beaucoup gêné la fluidité de ma lecture. Mais, je dois dire que partout à l'intérieur du livre sont semé de jolies perles de phrases, de pistes de réflexions, de jeux de mots intelligents. Donc, je suis heureuse d'avoir découvert Pennac l'homme, mais j'attends encore LA révélation de cet auteur… On m'a conseillé les Malaussène, je tenterai!
6.5/10
*Un petit rappel, la note que j'accorde en fin de billet n'est pas donnée en fonction de la qualité du livre mais bien de mon appréciation, de mon plaisir de lecture.
Extraits:
"Votre fils, chère madame, n'en finira jamais d'être un enfant de la langue, et vous-même un tout petit bébé, et moi un marmot ridicule, et tous autant que nous sommes menu fretin charrié par le grand fleuve jailli de la source orale des Lettres, et votre fils aimera savoir en quelle langue il nage, ce qui le porte, le désaltère et le nourrit, et se faire lui-même porteur de cette beauté, et avec quelle fierté!, il va adorer ça, faites-lui confiance, le goût de ces mots dans sa bouche, les fusées éclairantes de ces pensées dans sa tête, et découvrir les capacités prodigieuses de sa mémoire, son infinie souplesse, cette caisse de résonnance, ce volume inouï où faire chanter les plus belles phrases, sonner les idées les plus claires, il va raffoler de cette natation sublinguistique lorsqu'il aura découvert la grotte insatiable de sa mémoire, il adorera plonger dans la langue, y pêcher les textes en profondeur, et tout au long de sa vie les savoir là, constitutifs de son être, pouvoir se les réciter à l'improviste, de les dire à lui-même pour la saveur des mots. Porteur d'une tradition écrite grâce à lui redevenue orale il ira peut-être même jusqu'à les dire à quelqu'un d'autre, pour le partage, pour les jeux de séduction, ou pour faire le cuistre, c'est un risque à courir. Ce faisant il renouera avec ces temps d'avant l'écriture où la survie de la pensée dépendait de notre seule voix. Si vous me parlez régression, je vous répondrai retrouvailles! Le savoir est d'abord charnel. Ce sont nos oreilles et nos yeux qui le captent, notre bouche qui le transmet. Certes, il nous vient des livres, mais les livres sortent de nous. Ça fait du bruit, une pensée, et le goût de lire est un héritage du besoin de dire." p.159-160
"Dans le train qui me ramène de Lyon, je me dis qu'en rentrant chez moi, ce n'est pas seulement ma maison que je regagne: je retourne au cœur de mon histoire, je vais me blottir au centre de ma géographie. Quand je passe ma porte, je pénètre en un lieu où j'étais déjà moi-même bien avant ma naissance: le moindre objet, le moindre livre de ma bibliothèque, m'attestent dans ma séculaire identité…" p. 238
"En lisant je me suis physiquement installé dans un bonheur qui dure toujours." p. 100
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Une lecture commune avec Bladelor, Cynthia et Christelle, n'hésitez pas à aller voir leurs avis!
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Chagrin d'école, Daniel Pennac, Gallimard, 2007, 304p.
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