4e couverture:
Veuve au matin d’une nuit de noces hallucinante, lorsque son époux, un jeune pasteur, se suicide en se jetant dans les Chutes du Niagara, Ariah Littrell se considère désormais comme vouée au malheur. Pourtant, au cours de sa semaine de veille au bord de l’abîme, en attendant qu’on retrouve le corps de son mari d’un jour, La Veuve blanche des Chutes (ainsi que la presse l’a surnommée avant d’en faire une légende) attire l’attention de Dirk Burnaby, un brillant avocat au cœur tendre, fasciné par cette jeune femme étrange.
Une passion improbable et néanmoins absolue lie très vite ce couple qui va connaître dix ans d’un bonheur total avant que la malédiction des Chutes s’abatte de nouveau sur la famille.
Désamour, trahison, meurtre? C’est aux enfants Burnaby qu’il reviendra de découvrir les secrets de la tragédie qui a détruit la vie de leurs parents. Une quête qui les obligera à affronter non seulement leur histoire personnelle mais aussi un sombre épisode du passé de l’Amérique : les ravages infligés à toute une région par l’expansion industrielle gigantesque des années 50 et 60, expansion nourrie par la cupidité et la corruption des pouvoirs en place.
Un roman aussi beau et tumultueux que ces Chutes au charme maléfique.
À travers les défis sociaux, économiques et environnementaux de cette époque, Joyce Carol Oates dresse le portrait de l’Amérique des années 50 à 70. L’histoire se déroule dans la petite ville touristique de Niagara Falls. On y suit le quotidien des membres de la famille Burnaby, qui vivent des relations familiales difficiles. Une des forces de l’auteure est la maîtrise avec laquelle elle construit ses personnages tous très complexes et intenses.
Dans ce roman, Joyce Carol Oates ne fait pas que raconter, elle dénonce avec cynisme le comportement des industries qui polluent sans vergogne et laisse mourir la population, caché derrière les autorités qui les protègent sans remords. Il règne dans ce livre une atmosphère oppressante et intense à la manière de ces Chutes, point central de cette saga familiale. Un style déroutant, dramatique et intense, à la façon Oates. Un roman très riche. J’ai trouvé par contre quelques longueurs mais rien pour nuire à mon plaisir. À mon avis, Joyce Carol Oates est une auteure incontournable. Elle tient une place de choix dans le palmarès de mes auteurs favoris. Et ça tombe bien car elle est une écrivaine très prolifique.
8/10
Extraits :
« Les Chutes exerçaient néanmoins un charme maléfique, qui ne faiblissait jamais. Lorsque vous grandissiez dans la région du Niagara, vous saviez. L’adolescence était l’âge dangereux. La plupart des gens du cru se tenaient à l’écart des Chutes et ne risquaient donc rien. Mais si vous approchiez trop près, même par curiosité intellectuelle, vous étiez en danger : vous commenciez à avoir des pensées qui ne vous ressemblaient pas, comme si le tonnerre des eaux pensait pour vous, vous dépossédait de votre volonté. » p.72
« On a envie de leur faire mal, parfois. À ceux qui vous aiment trop. » p.336
« Le jeune homme au crâne rasé communiquait autant par le silence que par la parole. Par des marmonnements, des grimaces, des haussements d’épaule, des grognements. Il soupirait, il grattait son crâne rasé. Il était toujours en train de tirer sur le col effiloché d’un tee-shirt, comme si ses vêtements informes étaient trop étroits. Il souriait de biais, avec l’air de douter qu’un sourire de lui fût le bienvenu. Il y avait de l’éloquence chez Stonecrop si on savait le déchiffrer. Il y avait de la subtilité dans son être, si gauche, si muet et menaçant qu’il pût paraître aux autres. » p.474-475
Née en 1938 à Lockport (État de New York), Joyce Carol Oates est issue d'un milieu rural, modeste. Une soeur autiste, un père absent, l'adolescente trouve rapidement refuge dans la littérature (Faulkner, Dostoïevski, Brontë) et se met à écrire dès l'âge de 14 ans.
Depuis 1964, Joyce Carol Oates publie aussi bien des nouvelles que des poésies, des romans ou des essais. Ses thèmes sont nombreux : tensions sociales, pouvoir, féminité, sexualité que l'auteur aborde avec pessimisme et lucidité, peignant un visage sans concession de l'Amérique. Avec plus de 70 titres à son actif, Joyce Carol Oates a également écrit sous des pseudonymes (Rosamond Smith, Lauren Kelly) des romans policiers.
Joyce Carol Oates a figuré à deux reprises parmi les finalistes du Prix Nobel de Littérature. Elle enseigne à l'université de Princetown où elle vit avec son époux et est adepte de boxe.
(Un merci spécial à Cafrine du Club des Rats pour la bio.)
Les Chutes, Joyce Carol Oates, Éd. Philippe Rey, 2005, 504p.