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24 mai 2012

Journal d'un corps - Daniel Pennac

Journal d'un corps

                   coup de coeur abeille

4e couverture:

13 ans, 1 mois, 8 jours Mercredi 18 novembre 1936

 Je veux écrire le journal de mon corps parce que tout le monde parle d'autre chose.

 

 50 ans et 3 mois            Jeudi 10 janvier 1974

 Si je devais rendre ce journal public, je le destinerais d'abord aux femmes. En retour, j'aimerais lire le journal qu'une femme aurait tenu de son corps. Histoire de lever un coin du mystère. En quoi consiste le mystère ? En ceci par exemple qu'un homme ignore tout de ce que ressent une femme quant au volume et au poids de ses seins, et que les femmes ne savent rien de ce que ressentent les hommes quant à l'encombrement de leur sexe.


86 ans, 9 mois, 16 jours          Lundi 26 juillet 2010

Nous sommes jusqu'au bout l'enfant de notre corps. Un enfant déconcerté.


De 13 à 87 ans, âge de sa mort, le narrateur a tenu le journal de son corps. Nous qui nous sentons parfois si seuls dans le nôtre nous découvrons peu à peu que ce jardin secret est un territoire commun. Tout ce que nous taisions est là, noir sur blanc, et ce qui nous faisait si peur devient souvent matière à rire.

 

Vous dire combien j’ai adoré ce roman!!! J’aime cet auteur d’amour! Qu’est-ce qu’il écrit bien! Et quelle idée fabuleuse d’écrire le journal du corps, parce que des journaux de l’esprit, c’est du déjà-vu! Mais un journal de son corps, fallait y penser!

Je me suis furieusement attachée au personnage, celui du journal (on ne connait pas son nom, mais au bout des pages, on sait tout de lui, ou presque…) Il est insolent, il est drôle, il est touchant, il est sincère. Et c’est l’image que je me fais de l’auteur. Parce que seulement un homme profondément bon, brillant, humain et ouvert peut écrire aussi bien les choses du corps…

Monsieur Pennac, Je vous aime!

10/10

Ce qui me plait le plus c’est quand, à la fin d’une lecture, mon bouquin ressemble à un porc-épic tout hérissé de dizaines de post-it. Et c’est toujours le cas quand je lis Pennac. Parce qu’un roman de Pennac, c’est un collier de perles littéraires.

En voici quelques unes :

« 13 ans, 1 mois, 14 jours        Mardi 24 novembre 1936 

Notre voix est la musique que fait le vent en traversant notre corps. (Enfin, quand il ne ressort pas par le bas.) » p.33

 

« 32 ans, 6 mois, 9 jours         Jeudi 19 avril 1956

Tijo me fait observer que quand j’éternue je dis ATCHOUM, littéralement. Il y voit un souci d’orthodoxie. Toi et tes bonnes manières! Tu es si bien élevé que si ton cul pouvait parler, il dirait  ’’ prout ‘‘. » p. 161

 

« 34 ans, 6 mois, 9 jours         Samedi 19 avril 1958

[…] Lison est à l’âge où l’enfant engage son corps entier dans le dessin. C’est tout son bras qui dessine : épaule, coude et poignet. Toute la surface de la page est requise. L’homme qui crie dans sa tête se déploie sur une double feuille arrachée à un cahier. La tête hurlante jaillissant de la tête soucieuse (soucieuse ou sceptique?) occupe la totalité de l’espace disponible. Dessin en expansion. Dans un an, l’apprentissage de l’écriture aura raison de cette ampleur. La ligne dictera sa loi. Épaule et coude soudés, poignet immobile, le geste se trouvera réduit à cette oscillation du pouce et de l’index qu’exigent les minutieux ourlets de l’écriture. Les dessins de Lison pâtiront de cette soumission à qui je dois ma calligraphie de greffier, si parfaitement lisible. Une fois qu’elle saura écrire, Lison se mettra à dessiner de petites choses qui flotteront dans la page, dessins atrophiés comme jadis les pieds des princesses chinoises. » p.171

 

« 34 ans, 6 mois, 10 jours         Dimanche 20 avril 1958

À regarder Lison dessiner, j’ai revécu mon apprentissage de l’écriture. De sa guerre, mon père avait rapporté quantité d’aquarelles où il avait saisi tout ce qui n’était pas affecté par le grand pilonnage. […] Il en avait des cahiers et des cahiers. Dès que ma main put se refermer sur un crayon, je m’amusais à détourer ces aquarelles. Loin de s’en offusquer, papa me guida : sa main sur la mienne il m’aidait à donner à la réalité que ses pinceaux avaient ébauchée le contour le plus exact possible. Du dessin, nous passâmes à l’écriture. Sa main toujours guidant la mienne, un porte-plume en place du crayon, il me faisait ourler des lettres après m’avoir fait détourer des marguerites. C’est ainsi que j’ai appris à écrire : en passant des pétales aux hampes et aux jambages. Trace-les avec soin, ce sont les pétales des mots! Je n’ai jamais retrouvé ses cahiers d’aquarelles, disparus dans le grand autodafé maternel, mais il m’arrive encore de sentir la main de mon père sur la mienne dans le plaisir enfantin que j’éprouve à bien ourler mes lettres. » p.171-172

 

« 55 ans, 4 mois, 17 jours        Mardi 27 février 1979

[…] Je dois me résoudre à l’évidence : ce n’est pas une tache sur ma peau, c’est une production de ma peau elle-même. Une marque de vieillesse, remontée des profondeurs. De celles qui parsèment les vieilles figures et que Violette appelait des fleurs de cimetière. » p.244-245

 

« 56 ans, 9 mois, 27 jours         Mercredi 6 août 1980

Blague entendue tout à l’heure, au bar où je prenais un café, raconté par mon voisin de comptoir, qui lui n’en était pas à son premier pastis : Pas de femme, dit le médecin à son patient. Pas de femme, pas de café, pas de tabac, pas d’alcool. Et avec ça, je vivrai plus vieux? Je n’en sais rien, dit le médecin, mais le temps vous paraîtra plus long. » p. 247

 

« 86 ans, 10 mois, 6 jours         Lundi 16 août 2010

La marmaille est repartie la veille de ma deuxième transfusion. Au revoir grand-mère! Au revoir grand-père! Si ces enfants ne doutent pas de nous revoir c’est qu’ils nous connaissent depuis toujours. Enfants nous ne voyons pas les adultes vieillir; c’est grandir qui nous intéresse, nous autres, et les adultes ne grandissent pas, ils sont confits dans leur maturité. Les vieillards non plus ne grandissent pas, eux, ils sont vieux de naissance, la nôtre. Leurs rides nous garantissent leur immortalité. Aux yeux de nos arrière-petits-enfants, Mona et moi datons de toute éternité et vivrons par conséquent à jamais. Notre mort les frappera d’autant plus. Première expérience de la fugacité. » p. 377

 

Et il y en a encore des dizaines comme ça, post-itées!

 

Je vous conseille le très beau billet de Cuné, qui a au moins autant aimé que moi! :o)

  

Journal d’un corps, Daniel Pennac, Gallimard, 2012, 389p.

 

beelove

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11 mai 2012

Magnifique...

Je sais c'est laid mais je n'arrive pas à rapetisser la vidéo....

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